Enième provocation ? Samedi, quelques heures seulement après la «ferme» condamnation par l’ONU de son dernier tir de missile, le leader nord-coréen Kim Jong-Un a affirmé être proche de détenir l’arme nucléaire.
L’objectif final revendiqué par Pyongyang est «un équilibre des forces»avec les Etats-Unis. «L'objectif est que les dirigeants américains n’osent même plus envisager une option militaire contre la République populaire démocratique de Corée», a insisté Kim Jong-Un, cité par l’agence locale KCNA.

Le tir de vendredi condamné

Il semble ignorer totalement le communiqué du Conseil de sécurité des Nations unies publié vendredi après-midi. Celui-ci s’est réuni en urgence à New York, à huis clos, après le tir d’un missile à portée intermédiaire (un Hwasong-12) le matin même au-dessus du Japon. Le texte produit était pourtant clair, dénonçant les «actes scandaleux» et «hautement provocateurs» de la Corée du Nord. Se référant aussi au sixième test nucléaire de Pyongyang le dimanche 3 septembre, le Conseil a écrit : «Ces actions sont une menace pour la région mais aussi pour tous les Etats membres de l’ONU».
Un missile nord-coréen au dessus du JaponUn missile nord-coréen au dessus du Japon. (Infographie AFP)
Après le test nucléaire du 3 septembre – une bombe H suffisamment miniaturisée pour équiper un missile, selon Pyongyang –, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté à l’unanimité, ce lundi, un huitième train de sanctions économiques frappant la Corée du Nord. Cette fois-ci la communauté internationale a opté pour une limitation des exportations de pétrole et de produits raffinés vers le Nord de la péninsule, et l’interdiction des achats de textile nord-coréen.

«Presque atteint le but»

Kim Jong-Un n’a pas pour autant l’intention d’interrompre son programme balistique et nucléaire. Auprès de KCNA, il a qualifié le tir de vendredi matin de succès qui a permis d’augmenter les «capacités nucléaires militaires» de son pays.
Pour David Wright, physicien de l’association Union of Concerned Scientists, «la Corée du Nord a fait la démonstration qu’elle pouvait atteindre Guam avec un de ses missiles, même si sa charge n’est pas connue», ni sa précision. Guam est une île de l’océan Pacifique au sud du Japon, où Washington possède des installations militaires stratégiques.
«Nous avons presque atteint le but» (c’est-à-dire l’arme nucléaire), a insisté Kim auprès de KCNA : «Nous devons clairement montrer à ces grandes puissances nationalistes comment notre pays a atteint son objectif de disposer de l’arme nucléaire, et ce malgré leurs sanctions illimitées et leur blocus».
«Le Nord envoie le message suivant: "Nous ne tremblons devant aucune sanction et nos menaces ne sont pas vaines"», explique à l’AFP Yang Moo-Jin, de l’Université des études nord-coréennes de Séoul.
Yang Uk, analyste auprès du Forum sud-coréen de la Défense et de la sécurité, estime «irréaliste pour la Corée du Nord d’atteindre l’équilibre nucléaire avec les Etats-Unis», mais souligne cependant «les progrès rapides du programme nucléaire» de Pyongyang. «Le dernier tir, apparemment fait depuis un pas de tir mobile, signifie que désormais le Nord est capable de déployer son missile Hwasong-12 dans le cadre de combats. Et d’ici trois à cinq ans, la Corée du Nord devrait être capable d’avoir des missiles nucléaires comme force de dissuasion».

Une réunion de l'ONU

Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira jeudi à propos de la Corée du Nord. Les Etats-Unis sont à l’origine de cette réunion des ministres des Affaires étrangères des pays membres du Conseil de sécurité, qui se tiendra pendant l’Assemblée générale des Nations unies à New York.
Il s’agit de «discuter des manières dont le Conseil de sécurité peut améliorer l’application des résolutions qu’il a adoptées, dans le but d’empêcher la prolifération des armes les plus dangereuses du monde», indique une note américaine préparant la réunion.

Les discussions gelées

Vendredi, les présidents russe Vladimir Poutine et français Emmanuel Macron ont appelé à des «négociations directes» avec Pyongyang, soulignant la «nécessité de résoudre cette situation extrêmement compliquée exclusivement par des moyens politiques et diplomatiques».
Les discussions entamées en 2003 entre Pyongyang et cinq grandes puissances – Etats-Unis, Chine, Japon, Russie et Corée du Sud – sont gelées depuis 2008.
Lors de l’Assemblée générale annuelle de l’ONU qui se tiendra la semaine prochaine à New York, le président américain Donald Trump a prévu de s’entretenir de la Corée du Nord avec ses alliés sud-coréen et japonais. Mais sans attendre, il a une nouvelle fois mis en garde la Corée du Nord vendredi, assurant que les Etats-Unis disposaient de «puissantes» options militaires pour répondre au «mépris» de Pyongyang «pour ses voisins et la communauté internationale».
Après les tirs par le Nord en juillet de deux missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), qui ont semblé mettre à sa portée une bonne partie du continent américain, Donald Trump l’avait menacé du «feu et de la colère». Ce à quoi Pyongyang avait répliqué en promettant de tirer quatre missiles à proximité de Guam.
Pékin, qui a condamné le tir et appelé à la retenue, a renvoyé Pyongyang et Washington dos à dos vendredi, jugeant «irresponsables» les critiques américaines. «Le cœur du problème c’est l’opposition entre la Corée du Nord et les Etats-Unis […] La Chine n’est pas à l’origine de l’escalade des tensions», a réagi la porte-parole de la diplomatie chinoise, Hua Chunying.